Pierre Dulude

Pierre Dulude

Tourbillon.

 

 

 

 

Tourbillon.

 

 

Un ménage dans mes idées s’impose. Une clarification est de mise. Je décide donc de me diriger vers le petit espace vert qui forme un angle tout au fond de ma rue. Les érables, tels des seigneurs de l’automne, se balancent au gré du vent. Le soleil vient les anoblir  en grande cérémonie. Leurs coloris chatoyants, explosifs, embaument  le voisinage. L’infime brise dégouline sur les feuilles pleines de saveurs luxuriantes. Un pirate ne pourrait que s’enorgueillir  d’un tel trésor; pourtant gratuit. Je déambule sur le trottoir jonché de ces petites perles  jaunes orangées et vermillons. La vie a donné, la vie reprend. Mon ami, galarneau, s’infiltre au travers de ces colonnes multicolores leur donnant un aspect d’un temple grec près de Zeus. Les quelques ailés risquent, encore, des cris de joie. J’arrive au parc. Je m’engage sur le sentier bordé de plantes et d’arbustes sauvages qui n’ignorent pas la venue imminente d’une couche blanchâtre va bientôt les recouvrir. Le temps est au moment présent et à la fiesta des couleurs. L’air exulte des parfums de saison. Il y règne un silence profond et respectueux. Les sous bois exaltent son tapis multicolore tout moelleux.

 

Je m’installe sur un banc  au beau milieu du dôme que tracent les arbres au dessus de ma tête. Des myriades de feuilles  se dandinent au gré des  effluves du vent. Elles tournoient dans tous les sens comme pour faire un effort supplémentaire pour se détacher ; ou comme venir dans le monde qu’elles trouveront par terre. Leur tourbillonnement, de l’ombre à la lumière, leur rendent un éclat  féérique. Les grands  pins se dandinent comme des adolescents qui hésitent à demander une jeune fille à danser. Quelques écureuils s’amusent comme des petits fous dans l’épais tapis de feuilles au pied des arbres. Une brise siffle tout doucement entre les habitants de bois de l’antre. Moment de  l’automne lorsque le signal est donné de se dévêtir. Pas encore !

 

Un détail vient se coller à la rétine de mes yeux. Un petit érable, flanqué aux côtés de deux de ses congénères, garde jalousement sa verdure. Je me dis :

 

 

-Tiens ! En voilà un qui résiste.

 

Tout autours de lui éclatent les rouges, les jaunes et l’or. Le soleil perce les remparts du sous-bois montrant les arbres les plus décharnus mais encore de toute beauté. Un gaie bleu s’installe sur une branche décorée de guirlande de feuilles rouges sang. Sa parure parle si fort que je n’entends pas son cri. Une légère brise s’infiltre partout. Je remonte le collet de mon manteau et croise les bras tout en attendant la suite .Je respire profondément l’air doux percée de soleil. Mes idées foisonnent ; se replacent  tout en silence. Des moineaux piailleurs viennent jouer à la cachette dans les feuilles. Criailleurs, ils se disputent pour savoir lequel d’entre eux a la main. Je fixe à nouveau le néophyte  encore vert de la forêt et glisse mon regard vers le haut du dôme. Le ciel bleu se découpe parfaitement en cercle. Les ramifications des arbres semblent nous protéger d’une certaine façon des intempéries. Quelques rayons de ce soleil passent au travers des branches pour venir me réchauffer la peau et l’âme. Je ressens un calme bienfaisant et voluptueux. L’endroit, complètement inondé de rayons lumineux, transgresse les harmonies. La brise semble chanter une berceuse du moyen-âge.

 

 

Je laisse mon esprit divaguer vers les hautes sphères de la méditation et de la contemplation. Une de mes amies a lancé la veille sur un réseau social sur internet  ce petit paragraphe qui m’a fait longuement réfléchir :

 

- ‘’Cherche un électricien pour rétablir le courant entre les gens qui ne se parlent plus, un opticien pour changer le regard des gens, un artiste pour dessiner le sourire sur tous les visages, un entrepreneur pour bâtir la paix et un professeur de math pour nous réapprendre à compter les uns sur les autres..?
Fais circuler si tu aimes !’’(Dixit Ruth Gilbert, -merci Ruth)

 

Je me suis dit :

 

-Voilà en résumé, en quelques phrases, toute une philosophie de vie. Je lui ai répondu sommairement :

 

-Et si ce serait toi cet électricien ou cet opticien ou bien cet entrepreneur ou ce prof de maths? N’avons-nous pas ce rôle à jouer pour amener cette Paix dans le monde ? Ramener cet amour dans un monde de plus en plus indifférent.


Et un raisonnement m’est venu à l’Esprit :

 

 

-Il y a un homme qui est venu porter son CV il y a deux milles ans  et Il attend encore à la porte pour que nous l’engagions .Il est venu nous combler de ses compétences et de son savoir .Qu’avons –nous fait ? Nous l’avons insulté, battu et mis à mort. Mais son Esprit subsiste encore et il  espère toujours à ce qu’on lui ouvre la porte de notre cœur.

Engageons –le il est très compétent.

 

Cet homme c’est le  Christ et il est venu nous chercher.

 

Perdu dans mes pensées  une immense feuille, d’un orange éclatant, vient me frôler l’épaule. Je lève les yeux et fixe la voûte des arbres, Un  tourbillon de feuilles descends en spirale vers le sol. Poussées par le vent, elles dégringolent en grand nombre  vers le creux du parc. C’est le signal. Tout comme dans la vie, quelques fois, ou les évènements se précipitent. En quelques secondes je me retrouve au milieu d’une chute de feuille minutée. Une sensation d’enlèvement, d’envoûtement s’empare de moi, je me calle la tête dans mon collet de manteau. Les seigneurs de la forêt se défoliolent  généreusement ; le vent aidant. Le tour de passe-passe ne dure qu’un court laps de temps. Les feuilles s’accumulent au sol comme pour en couvrir sa totalité. Les écureuils abasourdis courent dans tous les sens  ne sachant plus où donner de la tête.  Je suis recouvert de ce duvet foliacé. Le remue-ménage s’arrête  subitement.

 

Je lève les yeux au ciel et aperçois le trou béant qu’a laissé cette petite tempête automnale. Les coloris sont maintenant épandus par terre .On y distingue plus le petit chemin. Parfois il ne suffit qu’un d’un petit clin d’œil pour tout chambarder ; même dans notre vie.

-Un électricien, oui, pour remettre les fusibles en place et reconnecter les fils. Un opticien pour ajuster nos verres  pour voir clairement nos semblables et les accepter tels qu’ils sont. Un artiste pour peindre un sourire aux visages des gens malgré les temps moroses .Un entrepreneur pour bâtir cette Paix tant et tant bafouée entre nous  et un professeur de mathématique pour nous apprendre à compter les uns sur les autres comme dans ‘’aimes-vous les uns les autres.’’

Et un  Contremaître qui nous dirige dans nos vies. Non pas revenir en arrière –comme on l’entend souvent- mais bien avancer dans la direction de l’humanité celle de l’Amour entre les hommes et la fraternité.

 

J’enlève les feuilles qui me recouvrent et celles qui  se sont écrasées sur le banc. J’en garde une entre mes doigts et l’examine. Les nervures ressortent clairement. Sa couleur d’un rouge éblouissant me fascine. Le vent vient de tomber et, comme après une tempête de neige, il règne un silence profond dans le parc. Un silence de respect. Le soleil a maintenant les champs libres de partout. Seul les grands pins et le petit nabot vert résistent. Je me lève et, tout en traînant les pieds, je me dirige vers la sortie du parc. Mes pas ramassent à chaque enjambée des montagnes de feuilles tout aussi ravissantes les unes que les autres. Quelle belle sensation. Je me sens comme l’âme d’un enfant qui s’amuse dans cette gouache de fresque. J’ai envie de m’étendre par terre dans l’épais tapis .Redevenez comme des enfants.

 

Pierre D

Les Ailes du Temps

Laval, 20 octobre 2010

 

 

 

 



04/11/2010
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