Pierre Dulude

Pierre Dulude

Labyrinthe

Labyrinthe

Le meilleur qui peut nous arriver dans la vie, c’est d’assumer nos choix.

La nature exhibe sa pleine maturité. Les arbres batifolent  avec la douce brise. Les arômes des fleurs n’arrêtent pas de nous souler de leurs parfums. Les oiseaux gazouillent goulument dans cette abondance. Les rayons bienfaisants du soleil charrient leurs dons flatteurs de chaleur. Comme si tous et toutes se sont donné le mot pour partager une part de petits bonheurs épars ici et là. Je me suis installé sur un minuscule banc du parc  et j’observe toute cette activité estivale. Je suis part entière à cette nature délicieuse. Les criquets et autres confrères et consœurs de même acabit  terminent leur concert matinal; ils iront  se retirer pour la journée mais en attendant ils fignolent, encore, leur dernière mélodie.

J’encense  ces moments délicats du jour qui se lève ; tout renaît et tout revit. L’extrême douceur  coule sur nous .

Une grive vient me saluer et je lui réponds avec la réciproque. Un vol d’outardes vient faire de la rase motte sur le lac et atterrit dans un battement d’ailes à faire pâlir n’importe quelle ballerine. Le soleil brille de milles feux sur l’étendue d’eau. Tout est si calme, si soyeux. Je vois arriver deux personnes en direction, elles aussi, du petit parc. Nous nous saluons, poliment,  d’un signe de la tête  et elles s’éloignent à quelques dizaines de mètres. Je peux entendre leur chuchotement. 
Ma respiration, toute profonde soit elle, vit au rythme des chants d’oiseaux au faîte des arbres : quiétude et silence  sont les mots d’ordre .J’entends les deux personnes parler à voix très basse pour ne pas fracasser ces moments de sérénité. Absorbé par le léger sifflement du vent dans les branches des arbustes j’aperçois un jeune homme qui, lui aussi, se dirige dans notre petite zone ombragée. Il semble soucieux mais détendu quand même. Il vient s’installer sur un banc adjacent au mien. Je le salue, lui aussi,  de la main. Tous ensembles nous nous laissons imprégnés de la tranquillité de l’endroit. Un couple d’écureuils badine dans le petit chemin, indifférent de notre présence. Je souris, le jeune homme aussi. Nous échangeons un clin d’œil furtif. Il me dit :

-Ils sont de moins en moins asociaux  ne trouvez-vous pas ? Probablement parce que beaucoup de gens doivent les nourrir.

Je lui rétorque :

-C’est un fait ; ils deviennent de plus en plus dépendants des humains  tout comme beaucoup d’oiseaux.

Nous en restons à ce court dialogue  tout en examinant les alentours.

Un scarabée vient se poser sur mon banc et se dirige  vers ma main posée à plat. Je le laisse agir à sa guise, Il est rigolo. Il finit par grimper sur le revers de mes doigts et   s’y promène tout comme un skieur qui dévale une pente avec des bosses. Mon voisin m’examine et esquisse un sourire moqueur.

-Vous aimez la nature, ça se voit. Moi aussi  c’est ressourçant.

Je constate qu’il a envie de parler  de dialoguer avec un autre humain et j’ouvre la porte.

-Vous êtes en vacances ? Pourtant nous ne sommes qu’en début de juin.

-Non j’ai décidé, aujourd’hui, de prendre une journée de congé; ce qui ne m’est pas arrivé depuis bien des années. Entraîné par la routine, par l’emploi et les exigences de l’occupation je me suis oublié quelque peu. Je me suis oublié mais aussi oublié mes proches; ma vie. Au début de la semaine un de mes subalternes m’a fait une remarque qui m’a ébranlé. Il m’a dit : ‘’ Tu as fait ton premier million de dollars avant l’âge de trente ans   que voudras –tu de plus maintenant ? Un autre million et ensuite un autre et ainsi de suite.’’

-J’en ai été abasourdi  que je n’ai su quoi lui réponde. Je prenais conscience, aussi en même temps,  que depuis plus de quinze ans je poursuivais des idéaux et des croyances auxquels je me suis rattachés fermement .

J’ai tout essayé et j’ai accompli beaucoup. Je me suis dépensé sans limite pour ces idéaux et, là, avec cette remarque qui m’a freiné brusquement, je me remets en question. Excusez-moi de vous parler de mes petits problèmes personnels ce matin. Dans cette belle nature si invitante. Depuis quelques jours j’ai des difficultés à fermer l’œil.

-Ne vous excusez pas, lui dis-je, nous passons tous par cette sorte de remise en question, un jour ou l’autre,  dans notre vie. Continuez si le cœur vous en dit.

-Merci. C’est comme si je me retrouvais face à un labyrinthe  avec  neuf chemins à prendre  mais je sais qu’un seul est le bon. Un seul me conduira à bonne destination mais voilà; lequel ? J’ai comme l’impression, aussi, que je ne peux revenir vers l’arrière et je me  dois de continuer. Il y a des chemins, je le sais, par lesquels je suis déjà passé et je ne veux les emprunter à nouveau. Il y en a d’autres qui sont bien tentants mais j’hésite à m’y risquer.

Un silence profond s’installe entre nous , entrecoupé par le gazouillis des ailés dans le feuillage  qui nous couvre de son ombre. Mon scarabée me quitte. Je  fixe le jeune homme  qui flotte dans ses pensées. Je rétorque :

-Et, pour vous, quel serait l’idéal dans tout cela ? Quelle serait la Voie ? Vous savez  un jour quelqu’un m’a dit, dans une situation semblable à la vôtre,’’ Assures-toi de te trouver de côté de la Lumière, le côté de la sécurité.’’ Et lorsque tu auras choisi bien,  assumes ton choix et acceptes-le.

-Tu vas trouver dans ton choix ta sécurité en admettant que c’est toi qui a choisi avec toutes les conséquences que cela comporte.’’

-Et, vous savez, il avait raison. J’ai choisi à ce moment là. Me serais-je tromper, je ne le sais pas. Ce que je sais : c’est que toutes les expériences que nous vivons sont parties d’un tout.

-Si vous croyez faire le bien et faire pour le bien,  c’est votre route. Que vous soyez trois fois millionnaire ou que vous soyez pauvre comme Job, vous aurez fait ce que vous aviez à faire. Toujours suivre la Lumière et la sécurité.

Le jeune homme me  regarde avec  des yeux inquisiteurs. Un écureuil  monte sur son banc et le dévisage. Surpris, le jeune homme  lui parle :

-Non mon petit coco je n’ai rien pour toi, c’est malheureux. Une autre fois peut-être.

Le petit gris descend du banc et coure la queue dans les airs  vers un grand arbre devant lui. Je me lève et va vers l’homme et lui serre la main :

-Bonne chance dans vos choix  et que Dieu vous garde.

Il me répond par la même formule et nous nous séparons.

Le soleil darde, la matinée est avancée.

Pierre D.

Les Ailes du Temps©

Laval, 9 juin 2010

 

 

 

 



10/06/2010
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